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Questions ouvertes : conversation avec Marion Paclot sur l’ouverture du code de app.dvf.etalab.gouv.fr

Le 24 avril 2019, la direction générale des finances publiques a mis en ligne des données sur les transactions immobilières. À cette occasion, Etalab a développé une application web, app.dvf.etalab.gouv.fr, dont le code source est publié sous licence libre. Cette publication a permis de mesurer l’importance, pour une administration, d’ouvrir son travail, notamment pour recevoir des contributions de personnes extérieures.

Entretien avec Marion Paclot

Bastien Guerry, référent logiciels libres à la DINSIC, s’est entretenu avec Marion Paclot, développeuse principale de l’application, ainsi que David Gautier, contributeur volontaire, pour mieux comprendre leur démarche et ce qu’ils en ont appris.

Bastien Guerry. — Comment s’est passé le développement de l’application DVF ?

Marion Paclot. — Le développement de l’application DVF a été réalisé dans un temps très court, moins d’un mois. Il s’agissait de mettre à disposition du grand public, pour lequel manipuler des gigaoctets de données n’est pas envisageable, une interface de visualisation simple et facile à prendre en main.

À quelques jours du lancement, j’ai été rejointe sur le projet par des personnes ayant des compétences bien plus poussées que moi en développement, et qui ont consolidé mon travail en mettant en place des briques qui ont permis de gérer la charge serveur et de traiter plus intelligemment les couches géographiques.

Le jour du lancement, nous avions un produit fini présentable, mais pas parfait. Depuis le lancement, nous procédons régulièrement à des améliorations, soit parce qu’il y a de petites erreurs, soit parce que nous avons changé la base géographique pour en faciliter la maintenance et décharger OpenStreetMap, ou encore parce que les retours utilisateurs nous on amené à revoir certaines choses.

La page d’accueil de l’application DVF avec un bouton pour accéder à son code source.

Bastien Guerry. — Pourquoi l’application est-elle ouverte et publiée sous licence libre ?

Marion Paclot. — Au delà de l’application de la loi pour une République numérique, je suis convaincue de l’intérêt que peut apporter la publication du code sous licence libre. N’étant pas développeuse, j’ai pu bénéficier des conseils, sous forme de pull requests, c’est-à-dire des demandes de modifications effectuées directement sur github.com, de la part de développeurs plus expérimentés. La publication de son travail, qui plus est quand il est en cours de réalisation, n’est pas forcément évidente. Les forums de développeurs sont pleins de gens prompts à critiquer. Mais là, j’ai vu une très grande majorité de retours positifs.

D’autres se sont pris au jeu et ont proposé des améliorations que nous avions dans notre liste de choses à faire, et c’est aussi notre pari : que certaines personnes prendront quelques minutes pour écrire les lignes qui ajouteront une fonctionnalité.

Nous avons aussi proposé les scripts d’installation de la base de données et mis en place ce qu’il fallait pour que les développeurs de la partie proprement web puissent se concentrer sur elle. Cela a demandé un peu de travail, notamment pour mettre au propre mon code, mais le jeu en vaut la chandelle.

Bastien Guerry. — Est-ce que cela change quelque chose que le code soit ouvert et visible par tous ?

Marion Paclot. — Coder en sachant que tout sera public demande une discipline dont je n’ai pas l’habitude. Mais surtout, cela incite les gens qui ne sont pas contents à venir participer. Et c’est la communauté des développeurs qui s’est chargée de relayer le message. À une personne qui se plaignait sur Twitter que notre interface était « pourrie », un autre a répondu « le code est libre, vous n’avez qu’à participer », ce que je n’aurais pas osé faire moi-même. Evidemment, dans la mesure où nous sommes une administration et que je suis payée par l’Etat pour ce travail, il ne s’agit pas de déléguer du développement à des personnes bénévoles, mais le fait que le code soit libre change le rapport que les personnes extérieures peuvent avoir aux sites et applications. En tout cas, je suis vraiment heureuse de voir que des anonymes se sont pris au jeu et nous ont aidé.

La plupart des sites de l’État ne mettent pas de lien vers le code source ou vers un endroit où un contributeur pourrait signaler un problème ou proposer une amélioration, mais pour nous ce lien fut très utile.

Bastien Guerry. — Un conseil pour une autre administration publiant du code source ?

Marion Paclot. — Se dire qu’il vaut mieux publier imparfaitement que pas du tout et ne pas se laisser décontenancer par les réactions critiques.

Entretien avec David Gautier

Bastien Guerry a contacté David Gautier pour lui demander d’expliquer quelques unes de ses motivations.

Bastien Guerry. — Comment avez-vous connu le dépôt de code de l’application DVF ?

David Gautier. — C’est un collègue de travail qui m’a envoyé le lien vers un article du Monde Informatique car il savait que ce sujet (le prix des biens immobiliers) m’intéressait.

La page d’accueil du code source de l’application DVF.

Bastien Guerry. — Qu’est-ce qui vous a motivé à contribuer ?

David Gautier. — Le sujet m’intéresse et le projet étant Open Source il est possible de contribuer. Comme j’ai constaté qu’il manquait une procédure d’installation, qui m’aurait été utile lorsque j’ai installé l’application sur ma machine, j’ai décidé d’en faire profiter tout le monde.

Bastien Guerry. — Sur quoi avez-vous contribué et comment s’est passé l’interaction avec la développeuse d’Etalab ?

David Gautier. — Pour le moment ma contribution est modeste, j’ai juste ajouté une procédure d’installation au fichier README du projet. En informatique c’est toujours très utile d’en avoir au moins une qui fonctionne (ou qui a fonctionné) et qui indique les versions des logiciels requis. Et cela dès le début du projet, sinon on peut passer des heures à essayer de l’installer quelques mois ou quelques années plus tard.

Les développeurs du projet sont très agréables et ne manquent pas de vous remercier même pour une petite contribution.

Bastien Guerry. Cela vous donne-t-il envie de contribuer à d’autres dépôts de l’administration ?

David Gautier. — Pourquoi pas, celui-ci est le premier, mais sans doute pas le dernier !