Rapport annuel 2015 : mettre les données au service de la transformation de l’action publique

Le premier rapport annuel de l’administrateur général des données sur la gouvernance de la donnée, intitulé « Mettre les données au service de la transformation de l’action publique » vient d’ètre publié par le gouvernement.

Le décret du 16 septembre 2014, qui institue la fonction d’administrateur général des données, précise que celui-ci remet chaque année au Premier ministre un rapport public sur l’inventaire, la gouvernance, la production, la circulation, l’exploitation des données par les administrations. Le présent rapport est le premier de ces rapports annuels.

Prédire et empècher les vols de voituresé ; optimiser les temps d’attente aux urgences ; mieux cibler les contrôles douaniers ; repérer les entreprises qui vont prochainement recruter et les signaler aux demandeurs d’emploi concernés ; réviser la formule de calcul des prix des médicaments pour les optimiser ; négocier les achats d’électricité en anticipant les pics de consommation ; mieux négocier les achats publics ; anticiper les besoins d’investissement médical grâce à l’analyse de la littérature scientifique. Tous ces usages de l’analyse prédictive sont à portée de main de la puissance publique. Ils recèlent un immense potentiel d’efficacité, de maîtrise des dépenses et de justice de l’action publique.

L’analyse prédictive n’est que l’une des modalités d’un ensemble de nouvelles pratiques, les stratégies fondées sur la donnée, qui permettent par exemple :

  • de réguler un secteur industriel par la mise en circulation judicieuse des données pertinentes comme l’expérimente le gouvernement en utilisant les données de géolocalisation des taxis pour leur permettre de bénéficier des apports de clientèle issus de nouveaux services numériques ;
  • d’organiser l’information pour que les agents puissent prendre individuellement de meilleures décisions ;
  • d’améliorer l’action quotidienne des agents de guichet en leur donnant plus d’informations temps réel ;
  • d’augmenter l’autonomie et la liberté de choix des usagers du service public en prédisant par exemple l’espérance de succès d’une démarche en justice.

Cette promesse des data sciences, qui est aujourd’hui au cœur de la transformation numérique de grandes entreprises et de grandes villes dans le monde entier, est l’un des leviers de la modernisation de l’action publique. Cette ambition suppose l’intégration dans l’Etat de nouvelles compétences : les data scientists, ces statisticiens au profil innovant, férus d’informatique et de nouvelles méthodes de traitement de la donnée, et attentifs à la traduction en actes de leurs résultats mathématiques. Elle suppose des données de qualité que la France, précisément, produit et manipule depuis longtemps grâce à sa grande tradition de statistique publique et à son attachement à la qualité du service public. Elle suppose enfin une culture accrue des stratégies fondées sur la donnée, une volonté de conduire ce type de changement et la patience de tester et de vérifier sans relâche si de petites améliorations permettent de produire de grands résultats.

La mise en œuvre correcte de ces méthodes suppose cependant au préalable une véritable gouvernance de la donnée, c’est-à-dire une organisation globale des données produites ou détenues par l’Etat permettant d’en assurer la qualité, la fraîcheur, l’interopérabilité, la disponibilité dans des formats techniques en facilitant l’utilisation rapide et la meilleure circulation possible afin que chaque agent public de l’Etat comme des collectivités locales bénéficie des informations nécessaires à l’exercice de ses missions, et ce, dans le respect des secrets légaux qui protègent d’importantes libertés fondamentales et les intérèts fondamentaux de la nation. Une organisation qui assure à l’Etat la maîtrise et la souveraineté sur ses données, ses processus et ses systèmes, et au citoyen les points de transparence qu’il est fondé à revendiquer.

Ce premier rapport, fondé sur une année d’enquêtes, d’échanges et d’expérimentations avec de nombreux agents publics et de nombreuses administrations a vocation à poser le cadre d’analyse, à cerner les promesses et les illusions des sciences de la donnée, à présenter de premiers résultats, à signaler les premières difficultés rencontrées et à suggérer de premières orientations. Il identifie les freins structurels et culturels à la libération des données détenues par les administrations. Il souligne les limites, pour la capacité d’agir de l’Etat, du recours accru à des prestataires privés dans la gestion des systèmes d’information. Enfin, il montre combien la culture en silo ministériel de l’administration bride la transversalité, ce qui affaiblit la vision globale des politiques publiques et la fonction prospective auxquelles les traitements de données permettent d’accéder.

L’administrateur général des données formule des propositions visant à :

  • établir une cartographie des données de l’Etat ;
  • concevoir des infrastructures de systèmes d’information adaptées, dès leur conception, à l’objectif d’exploitation et de partage de données ;
  • développer au sein de chaque administration un réseau de correspondants et de personnes ressources ;
  • élaborer, en lien avec le conseil d’État, une doctrine interministérielle relative aux secrets légaux et la protection des données personnelles afin de faciliter les échanges de données entre les administrations.

Lien vers le rapport sur le site gouvernement.fr

Entretien avec Henri Verdier sur le site modernisation.gouv.fr