Avis portant sur la publication, la rectification et la réutilisation des informations portant sur les professionnels de santé

Dans le cadre de la préparation de la loi sur la santé, La Direction de la recherche, de l’évaluation et des études statistiques (DREES) du Ministère des affaires sociales et de la santé a sollicité l’avis de l’AGD sur la question spécifique de la publication des informations portant sur les professionnels de santé publiées en vertu de l’article 76 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, codifié à l’article L. 162-1-11 du code de la sécurité sociale. Il s’agissait en particulier d’examiner les conditions dans lesquelles ces données pourraient être réutilisées, et, dans ce cas, les modalités selon lesquelles les personnes pourraient exercer leur droit de rectification.

Ci-après l’avis de l’AGD, publié avec l’accord du Ministère des affaires sociales et de la santé.

AVIS A L’ATTENTION DE M. LE DIRECTEUR DE LA RECHERCHE, DES ETUDES, DE L’EVALUATION ET DES STATISTIQUES

Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes

Objet : Réponses aux interrogations de la DRESS concernant l’opportunité de s’appuyer sur la licence prévue à l’article 16 de la loi CADA pour faciliter l’exercice du droit des professionnels de santé à rectifier les données les concernant, dans le régime de réutilisation prévu par l’article 47 du projet de loi relatif à la santé.

Vous avez sollicité l’avis de l’Administrateur général des données sur la meilleure manière de mettre en oeuvre le droit des professionnels de santé à la rectification des informations les concernant qui seraient republiées conformément au nouveau cadre instauré par l’article 47 du projet de loi relatif à la santé qui sera examiné en première lecture par l’Assemblée nationale à partir de la fin du mois de mars.

Ces interrogations concernent plus spécifiquement le projet d’article L. 1461-2 du code de la santé publique, tel que reproduit dans votre lettre du 19 février 2015.

L’article 76 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, codifié à l’article L. 162-1-11 du code de la sécurité sociale, avait instauré une mission générale d’information des assurés sociaux visant à faciliter leur accès aux soins et à la protection sociale. Cette mission avait été confiée à l’Assurance Maladie, qui a crée à cette fin le site http://ameli-direct.ameli.fr, lequel diffuse publiquement un ensemble de données relatives à l’activité des professionnels de santé.

Comme vous l’avez noté, il n’existe pas dans le droit positif de disposition législative ou réglementaire permettant de réutiliser ces informations diffusées publiquement. C’est l’objet de la proposition d’article L. 1461-2 en son alinéa 2, tel que reproduit dans votre courrier.

L’objectif de ce dispositif est de garantir un juste équilibre entre la possibilité de réutiliser des données diffusées pour faciliter l’information, l’accès aux soins et à la protection sociale des assurés et le respect des droits des professionnels de santé. En cela, les lois relatives à la transparence de la vie publique constituent un précédent intéressant (voir annexe).

L’alinéa 2 du projet d’article L. 1461-2 du code de la santé publique autoriserait la réutilisation de ces informations en la soumettant à la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 (ci-après “loi CADA”) et plus spécifiquement au respect des articles 12 et 13 alinéa 2 de cette loi.

-> L’article 12 de la loi CADA pose certaines conditions à la réutilisation des informations publiques. Il impose notamment que les sources des informations et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées.

Si la disposition législative en cause suffit à imposer cette obligation, l’adoption d’une licence pour prévoir les conditions et les libertés de réutilisation, quoique non obligatoire est généralement utile. Une telle licence d’utilisation peut être approuvée si elle rappelle les obligations prévues par la loi.

À ce titre, dans le cas où la Caisse nationale d’assurance maladie souhaiterait prévoir une licence pour les réutilisations, je recommande l’utilisation de la Licence Ouverte.

-> L’article 13 al. 2 de la loi CADA rappelle quant à lui l’application de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 (ci-après “loi informatique et libertés”), qui a pour but principal d’encadrer la collecte, le traitement et l’utilisation des données à caractère personnel. Le renvoi ainsi opéré soumet les réutilisateurs des données diffusées publiquement au respect des dispositions de la loi informatique et libertés.

Cette loi prévoit en son chapitre IV les formalités préalables à la mise en uvre des traitements informatisés. Dans certains cas, visés en particulier aux articles 2 al.2 et 22, les traitements ne sont pas soumis à l’obligation de déclaration préalable. Cependant, dans la grande majorité des situations, le réutilisateur devra effectuer une déclaration de traitement auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.

Le renvoi opéré par l’article 13 de la loi CADA à la loi informatique et libertés a également pour effet de soumettre le réutilisateur au respect des articles 39 et 40, qui ont pour objet de permettre aux personnes physiques d’exercer leurs droits d’accès et de rectification auprès du responsable du traitement.

Ainsi, les réutilisateurs, pour respecter leurs obligations légales, devront permettre aux professionnels de santé d’exercer leurs droits d’accès et de rectification. Le recours à un contrat avec la Caisse nationale d’assurance maladie est donc superflu, puisque le respect de la loi informatique et liberté suffit à encadrer la réutilisation.

Cependant, il convient de préciser qu’en termes d’efficacité, il serait préférable d’encourager les professionnels de santé à exercer directement leur droit de rectification auprès du producteur de la base de données. En effet, cette rectification à la source a pour mérite de permettre une diffusion des données rectifiées plus efficace.

À ce titre, je recommande de prévoir dans une disposition réglementaire d’application de la future loi santé que le droit de rectification s’exerce auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie (sur le modèle de ce que prévoit, mutatis mutandis, l’arrêté du 8 juillet 2014 relatif aux conditions de fonctionnement du site internet de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique).

Les réutilisateurs étant tenus de respecter les dispositions de la loi informatique et libertés, notamment le point 4 de l’article 6 qui prévoit l’obligation de mise à jour des données, les rectifications sur la base source seront répercutées sur l’ensemble des réutilisations.

Henri Verdier

Administrateur général des données

Annexe : Dispositions relatives à la transparence de la vie publique

Les lois du 11 octobre 2013 (loi organique n°2013-906 et loi ordinaire n°2013-907) relatives à la transparence de la vie publique ont traité de la délicate question de la réutilisation de données à caractère personnel qui sont soumises à une obligation légale de diffusion publique. Ce cadre législatif et réglementaire (décret n°2013-1212 du 23 décembre 2013 et arrêté du 8 juillet 2014) a en effet prévu de diffuser publiquement et de rendre réutilisable, sur les fondements des articles 10 à 13 de la loi CADA, les déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts des membres du Gouvernement (et leurs modifications substantielles), les déclarations d’intérêts et d’activités des membres du Parlement (et leurs modifications substantielles) et les déclarations d’intérêts des représentants français au Parlement européen et des titulaires de mandats électifs locaux (et leurs modifications substantielles).

Le Conseil constitutionnel a, par deux décisions du 9 octobre 2013, déclaré que ces dispositions législatives étaient conformes à la Constitution. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré qu’elles ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la vie privée des intéressés au regard des objectifs poursuivis, c’est-à-dire la mise en oeuvre des garanties de probité, d’intégrité et de prévention et de lutte contre des conflits d’intérêts.